Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Bulles de Grenouille
19 septembre 2010

Demoiselle

Demoiselle s'est assise sur le dernier barreau de son espalier. Elle regarde son rocher en bas. Elle lève les yeux. Elle est au bord du ciel. Elle questionne son équilibre avant d'oser se hisser sur la pointe des pieds.

Demoiselle est bien campée sur son postérieur, les genoux ramenés sous son menton, les bras en bracelet autour de ses chevilles. Les yeux dans le vague, elle se concentre sur les bruits. Elle voudrait percevoir les promesses secrètes que s'adressent les anges.

De loin, ainsi perchée, on pourrait la croire hautaine. Dans la lumière crépusculaire, elle est surtout lumineuse. L'éclat de la lune rebondit derrière elle.

Il la regarde de loin. Il se sent papillon de nuit. Il voudrait s'asseoir sur le rocher, et lui dire :
"J'entends tes prières, celles que tu ne murmures pas. Je n'ai pas peur de tes silences. Laisse-moi me taire avec toi. Laisse-moi poser mon esprit à tes pieds, laisse-moi fouiller les promesses ta main dans la mienne."
Il voudrait lui murmurer :
"Tu peux sauter, je te rattraperai tu sais"
Il voudrait lui demander :
"Si je tends ma main, l'attraperais-tu pour me hisser jusqu'à toi ?".

Ça le fait rire - une grimace singulière - cette requête muette. Sa bouche se déforme derrière son rictus. Evidemment qu'il ne dira rien, ses pieds sont plombés, il est complètement embourbé. Même si elle tirait de toutes ses forces, elle ne pourrait pas le décoller. Elle tomberait. A ses côtés, certes. Mais tombée.

Alors il se détourne, bien avant qu'elle ne le voie. Non, il ne sautera jamais assez haut. Et son escalier est cassé, il lui faudrait une échelle. S'il s'avançait, simplement, il se confondrait avec les ombres du sous-sol.

Autant s'éclipser.
Pour maintenant. Pour tout de suite.

Il n'avait pas atteint la grille du parc quand il entendit, dans un souffle brisé, sa voix rauque mal assurée. Elle se croyait seule et s'adressait à son ciel. Il se sentit de trop, il se sentit bien, il se sentit les deux.
Alors il sut avec une acuité presque moqueuse qu'elle serait, à l'évidence, l'héroïne invisible de sa nuit. Et qu'il ne savait pas combien de temps durerait sa nuit.



Publicité
Publicité
Commentaires
V
c'est dur, c'est tremblant, c'est evident!
B
tes mots dessinent avec douceur les contours de l'invisible sentiment, celui qui nous tient en équilibre
A
à force de jouer à chat, ils vont se retrouver non ?
Bulles de Grenouille
Publicité
Archives
Publicité