lA vAlise
Dans un coin de la chambre, sous l'étagère à BD, derrière un cabas en toile plein de câbles, se niche la valise. Le petite valise, la vieille valise.
Elle est carton, évidemment. Elle vient de ma grand-mère.
Il y a dedans mes vieilleries. Mes dix-sept ans et demi et les huit années qui ont suivi.
Il y a dedans mon pas imprimé sur la route que je me suis tracée. A rebrousse-poil, on suit facilement du doigt la route de celle que je suis à celle que j'étais. Il y a des bifurcations. Une, en fait. Mais pas de fracture.
Il y a quelques années de correspondance quotidienne, ma tÔa silencieuse mais pas tant.
Il y a mon bout de vie américaine. Quatre mois et demi, c'est tout petit.Mais c'est si grand quand on a dix-neuf ans.
Il y a les jolis garçons aimés, les jeunes hommes, et la trace qu'ils ont bien voulu laisser de leur cœur qui battait. C'est étonnant. Je n'avais pas mesuré alors. L'amant américain, le fêtard de service amateur de grenouille, le ramasseur-à-la-petite-cuillère de moizelle en perdition, allemand croisé en Grèce (il a soufflé si fort en si peu de temps sur mes ailes recroquevillées que je me suis envolée, un peu précipitamment), il y a le pudique revêche (revâche ?), à l'humour si tordant que j'en pleure -de rire- encore aujourd'hui. Il y a mon Prince. Le Ténébreux. L'Irréel. Le Hors-Temps. Qui s'est mangé la réalité à pleines dents... Qui a fermé la parenthèse qu'il avait ouverte cinq ans auparavant.
Il y a monhOmme et ses premières traces...
Quelle chance j'ai eue de croiser ces gars-là. Punaise... quelle chance... C'est édifiant. Au sens littéral.
Il y a d'autres accompagnateurs, différents, pas moins importants.
Il y a tout ce roman de moi, des témoignages dans lesquels je ne me reconnais pas toujours, des hommages qui me colorent de rouge les joues. Il y a mon regard d'aujourd'hui, attendri, ébahi. C'est ma vie à moi, en feuillets détachés, et je n'en reviens pas.