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Bulles de Grenouille
14 mars 2010

Embrouille et rage

Ce soir j'ai pleuré. De rage.

Il était un peu avant 17 heures 30 quand nous sommes allés voter. Devant nous un homme. Dont le nom n'apparaissait pas sur les listes. Il avait pièce d'identité et carte électorale, mais pas de ligne à son nom sur la liste. Coup de fil en mairie, on apprend que Monsieur est radié et archivé. Les gens du bureau de vote émettent des hypothèses. Un homme, que je crois être le président du bureau de vote, cherche à comprendre. Je me permets juste à haute voix un "vous voyez, ça me désespère, Monsieur s'est déplacé et il va être compté comme abstentionniste...". Cet homme, le président, me coupe :

"Mêlez-vous de vos affaires !".

Je suis étonnée. Je ne voulais certainement pas l'agresser lui, mais je crois quand même que c'est ce qui s'est passé. MonhOmme m'a dit que j'avais été agressive, et qu'il lui était difficile, à cet homme, de ne pas le prendre personnellement.

Quoi qu'il en soit, ce ton que même mon père n'emploie plus avec moi ne m'a pas convenu... alors j'ai rétorqué qu'il me semblait qu'en tant que citoyenne j'étais concernée par les choses de la république (traduction latine littérale si mes souvenirs sont bons), et que s'il ne souhaitait pas que je m'exprime sur le sujet, alors il ne fallait pas m'en faire témoin et aller parler avec le Monsieur en privé. Quand est venu mon tour de signer, je me suis excusée auprès de ce Monsieur-du-Bureau-de-vote. Je voulais expliquer ma réaction (en fait je n'appelais aucun débat, ni rien, je voulais juste exprimer ma déception, je me doute que lui, qui passe un dimanche entier à attendre que nous votions, devait être encore plus déçu que moi, enfin je ne sais pas, j'imagine qu'il croit fort au vote pour être là). J'ai donc dit à ce Monsieur que j'étais désolée, et j'ai voulu reformuler ma pensée. Il m'a à nouveau coupé, rétorquant qu'ici n'était pas un lieu de débat (bah zut alors, je ne pensais certainement pas amener un débat. Mais je me suis dit qu'il craignait peut-être qu'une polémique n'éclate sur un lieu de vote, invalidant alors l'ensemble des votes si une oreille mal-intentionnée et pleine de zèle venait à traîner) et qu'il fallait que je me mêle des mes oignons. Ce à quoi j'ai répondu que ce dont j'étais témoin devenait mes oignons, et que lorsque je voyais deux personnes se battre dans la rue j'intervenais aussi (me suis même mangé un pain comme ça une fois ! ce qui ne m'empêchera pas de recommencer). "D'autres ont d'autres jugements, commencez donc d'abord par vous mêler de vos oignons" redit-il "et maintenant taisez-vous, ce débat est clos".
Je n'ai évidemment pas pu retenir la fin de ma phrase, en le regardant droit dans les yeux : "Mais vous êtes une personne charmante et je suis bien ravie de vous avoir rencontré Monsieur !".

 

En sortant, monhOmme m'a confirmé que j'avais été agressive, un peu "maîtresse d'école" dans ma manière d'aborder la chose. Bah merde alors ! Je m'y suis prise comme un pied, je ne voulais certainement pas donner de leçon à quiconque, je voulais juste partager un ressenti, sans prendre personne à partie. J'ai dû être très agressive malgré moi, et je n'ai pas saisi d'où sortait sa rétorque de patriarche méprisant. 

Ce n'est rien, c'est ridicule. Mais en sortant du bureau de vote je me suis effondrée. Je pleurais de rage. Mais de quelle rage ? La rage de ne pas avoir réussi à me faire comprendre ? La rage d'avoir été un instant dans les yeux d'un quidam ce que je combats au quotidien, l'instit' donneuse de leçon qui a tout mieux compris que tout le monde ? La rage d'avoir agressé quelqu'un qui s'est senti "manqué de respect" alors que c'est tellement à l'opposé de ce que je voulais ? La rage d'avoir été baillonnée dans l'expression de ma citoyenneté ? La rage face à cet homme qui exige comme de bien entendu que chacun se mêle de es affaires alors que je suis moi convaincue que le monde crève d'indifférence et de "non je ne dirais rien ,je ne voudrais pas être dérangée, je ne voudrais pas déranger" ?

Je l'ai certainement mal dit, mais en aucun cas je ne pouvais le taire. Je continue à croire que c'est aussi mon devoir de citoyenne.

Elle a coulé longtemps, ma rage, sur mes joues. Je m'en suis même cachée dans mes toilettes, la honte ! Il fallait faire vite, je devais partir avec mes deux grands chercher un troisième larron pour le concert de Revolver. Et je n'arrivais à rien contenir.
Ensuite, nous sommes partis, et je leur ai demandé de filer devant, le temps d'essuyer discrètement les dernières gouttes.
Ça ne me dérange pas de couler devant eux, quand je peux mettre des mots précis dessus. Là encore je ne comprends pas ma démesure.

Je crois, moi, qu'il est important de dire. Ce qui ne va pas, comme ce qui va. Que l'un ne va pas sans l'autre.
Je dis ce qui me contrarie, pour information, sans accusation, comme je suis capable d'envoyer une lettre à la mairie pour dire à quel point je suis ravie des ateliers gratuits qu'elle a mis en place pendant les vacances pour les mômes, enchantés. Ouais, je crois en ça. Terriblement, obstinément.

J'en tremble encore un peu, c'est nul...

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Commentaires
P
dire... dire ... dire...
L
Bon sang ma dame que tu es Grande !<br /> <br /> Merci d'être si honnête, d'être si sincère, si spontanée. Merci d'être choquée par ce que nous sommes beaucoup à ne plus entendre. Merci de le dire. Merci de savoir aussi te risquer à te décrire sous un jour qui pourrait ne t'être pas favorable, et qui l'est d'autant plus.<br /> <br /> Tu es grande et je voudrais écrire ton prénom. Tu as raison d'être en colère, raison d'avoir parlé, raison de d'être interrogée, raison de te remettre en question. Nous ne détenons rien pour acquis. Pas éternellement. Nous pouvons changer, glisser. Mais ce que je retiens, c'est que tu as vu, tu as dis, tu as questionné, et tu as vibré.<br /> <br /> Le fait que tu nous explique tout cela sans fards, sans arrondir les angles en ta faveur... te grandit à mes yeux encore plus.<br /> <br /> Grande, grande, grande. Oui.
M
je crois que j'aurais aussi ouvert ma bouche, maladroitement, avec tout l'affect que mes mots auraient pu contenir... que le tout aurait sonné comme une agression parce que l'injustice ça fait monter l'adrénaline... et que je me serais mise à pleurer voyant que l'on ne me comprenait pas, comme la petite fille qui vit à l'intérieur de moi et qui a toujours était affectée quand on ne la comprenait pas, parce que tout semble toujours si logique et évident dans ma tête à moi!!!
M
Il y a de quoi avoir la rage, je crois aussi vraiment qu'il faut DIRE ... et à partir de là on peut, ETRE, avec ce qu'on a dans les trippes.<br /> Du démago en veux tu en voilà, en écho à un de tes derniers posts, on a du gros ici avec berlusconi, on en bave vraiment et y'a intéret à avoir de la graine de citoyen et d'avoir la gueule ouverte et la plume alerte... <br /> En pirouettant par ici, j'en mets plein ma musette et je cultive ma graine.
P
Oh je suis toute pareille... et à "sincère" j'ajouterai "entière"... au quotidien dans ce fameux monde dans lequel j'ai du mal à trouver( me faire?) une place, ce n'est pas évident à gérer...et les larmes de colère, d'injustice, de frustration, d'incompréhension coulent aussi souvent sans forcément trouver écho... Tiens, dis tu veux bien être mon écho???
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