Fatigue
J'ai la petite fatigue accumulée du quotidien bien rythmé. J'ai la petite fatigue comme la vitre salie par les jours qui passent. Pas d'accident de pigeon ni de traces de doigts au chocolat, non rien que la grisaille terneuse des jours qui s'enfilent.
J'ai la cerne qui se creuse, la ride qui se multiplie. Et j'ai le zygomatique qui se relève, pour tout et n'importe quoi. Ma petite fatigue aujourd'hui ne se prend pas au sérieux. Elle me sait lourde au lever, la râlerie bien plus prompte que mÔa à poser le pied au sol. Alors elle me préserve, accompagnatrice bienveillante. C'est qu'il faut bien qu'elle prenne soin de mÔa si elle ne veut pas que je l'éradique à coup d'oreiller. Elle se planque sous des formes excitées, derrière un dynamisme à la méthode Coué. Elle se planque, et je ne l'ai pas vu débarquer. Soudain elle était là. Un peu lancinante tout de même, elle prend ses aises et toute la place à la nuit tombée : j'ai la fatigue qui me fatigue le sommeil ! J'ai le sommeil encombré, trop court ou trop léger.
J'ai le zygomatique chatouilleur, j'ai aussi sa petite sœur... elle est plus discrète, effacée, réservée. Je la sens quand même, je la sais.
J'ai la tristesse de fatigue qui se fait petite et se met en boule, comme un chat devant sa cheminée. J'ai la tristesse àquoiboniste, qui ne se prend pas au sérieux elle non plus. Elle ne philosophe pas, elle sait bien d'où elle vient, et où elle retournera : c'est le côté (hé)las de ma petite fatigue qui s'imagine pouvoir jouer de la larme.
J'ai la tristesse en grelot étouffé qui a perdu ses escarpins. Et je ne sais pas la vôtre, mais la mienne de tristesse ne sort jamais déchaussée
l'hiver.
Vous imaginez vous, une tristesse enrhumée ?